Au Luxembourg, le harcèlement moral n’est pas réglementé par la loi. En l’absence de législation spécifique, les jugements se basent notamment sur l’obligation contractuelle d’exécution de bonne foi prévue à l’article 1134 du Code civil, pour faire peser sur l’employeur des obligations non négligeables en cas d’actes de harcèlement moral allégués par les salariés travaillant sous sa responsabilité.
Cela a été récemment confirmé par un arrêt de la Cour d’appel1, qui a déclaré abusif un licenciement avec effet immédiat prononcé en date du 31 juillet 2015 pour une absence injustifiée depuis le 17 juillet 2015. Selon la Cour d’appel, l’absentéisme de la salariée était la conséquence d’actes de violence morale sur son lieu de travail, auxquels l’employeur aurait dû remédier.
Or, ce dernier, se prévalant de deux avis de la CNS du 9 juin 2015 et du 6 juillet 2015 déclarant la salariée apte au travail, confirmés par ceux de trois médecins de contrôle, avait estimé avoir renversé la présomption de maladie attachée au certificat médical lui versé par la salariée en date du 30 juin 2015. Selon lui, la salariée, faute de s’être présentée sur son lieu de travail pour reprendre son activité, était en absence injustifiée, fait suffisamment grave pour justifier un licenciement sans préavis.
« Si cette approche de l’employeur est légitime dans l’hypothèse d’une absence dont le caractère injustifié est avéré alors que l’obligation principale de la salariée est de se présenter au travail pour y travailler », la Cour d’appel considère cependant qu’il « en va différemment lorsque la nature injustifiée de l’absence laisse d’être établie dès lors que la salariée prétend que la cause de son absence réside dans un harcèlement moral subi sur son lieu de travail ». L’employeur, en vertu de l’obligation contractuelle d’exécution de bonne foi, ne peut pas « rester inactif lorsque ses salariés sont victimes d’actes dégradants commis par les collègues ou par des tiers, tant que ces salariés travaillent sous sa responsabilité ».
En l’espèce, l’employeur était en possession de rapports médicaux du médecin psychiatre de la salariée, ainsi que des trois avis établis par les médecins de contrôle de l’employeur, faisant état de problèmes relationnels et conflictuels, cause de sa dépression, partant de son absentéisme, que la salariée rencontrait avec ses collègues de travail. Dans ce contexte, l’employeur n’aurait pas dû se contenter de licencier avec effet immédiat la salariée, mais il aurait dû « prendre des mesures préventives en amont de comportements conflictuels et intervenir concrètement en gérant les attitudes ou les actes conflictuels. Parmi les obligations de l’employeur figure entres autres, l’obligation d’entendre la victime présumée et de mener une enquête interne ». Cependant, « en procédant au licenciement, de surcroît avec effet immédiat, de sa salariée, victime de tels agissements et mis en incapacité de travail en raison de l’altération de sa santé psychique en découlant, au motif qu’elle ne s’est pas présentée à son lieu de travail à la date fixée par les médecins de contrôle la rendant ainsi coupable d’une absence injustifiée de quatre jours, sans tenter de régler au préalable le problème relationnel à la base de l’incapacité de travail », la Cour d’appel estime que l’employeur a agi de manière intempestive et anormale.
Cet arrêt est très critiquable dans la mesure où il requiert de l’employeur de remettre en cause les certificats d’aptitude de la CNS, décisions qui s’imposent à l’employeur, pour analyser et, le cas échéant, éliminer les causes sous-jacentes de la maladie, ceci sur simple allégation du salarié de tensions ou difficultés relationnelles entre collègues de travail.